Charles Le Roux
1814 - 1895
Biography
Charles Le Roux naquit à Nantes en 1814; il y est mort en 1895. Son père, Marie-Joseph, avocat et grand bourgeois, descendait d'une lignée de tanneurs célèbres par leurs fastes. Le premier des Le Roux est venu de Bouvron à Nantes vers 1630. Sa mère, née Dessaulx, était la fille d'un négociant Nantais, ami des arts à la façon des fermiers généraux du XVIIIème siècle, ayant contribué avec Graslin à créer le quartier qui porte ce nom.
Marie-Joseph Le Roux avait acquis, près de Bressuire, le domaine du Soullier, entouré de bois sauvages et d'où rayonnaient trois magnifiques allées, plusieurs fois centenaires. Il aimait à se perdre dans les broussailles où l'on pouvait parfois chasser le loup... C'est là que son fils, étudiant à Nantes, passait ses vacances, et qu'il fut touché de la grâce du peintre paysagiste. Avocat lui aussi, par obéissance filiale plutôt que par goût, Charles profita d'un séjour à Paris pour développer un talent déjà exercé, et devint le compagnon, l'ami intime de Corot, de Théodore Rousseau qui furent, par la suite, ses hôtes en Vendée et au Pays Pantais.
Il les a fréquentés, admirés; ils ont travaillé de concert les mêmes sujets, mais lui seul a su rendre, dans un style bien personnel, le ton juste des campagnes de l'Ouest.
L'héritage fait par sa femme, une créole de l'Île Maurice, d'une propriété près de Paimboeuf, Le Pasquiaud, vient élargir la vision du peintre. Dans cette retraite, face au fleuve, où il reçoit de nombreux amis, il éclaircit sa palette: le vert des marais, où paissent encore quelques boeufs, s'estompe à la limite de l'eau et du ciel; les voiles éclatantes des long-courriers colorent gaiement le paysage: on presse déjà l'oeuvre d'un Boudin. La note romantique persiste toutefois, et l'on songe à ce passage du « voyage de Nantes à Paimboeuf » du nantais Edouard Richer: « Quelquefois, par une de ces variations subites de l'atmosphère, si communes sur la Loire, une bande épaisse de vapeur roule sur la surface des eaux et cache à nos yeux le corps entier d'un navire qui passe au loin. Vous n'en découvrez que ses voiles arrondies que la Grèce ingénieuse comparaît à l'aile des cygnes et vous diriez un esquif aérien emporté par les nuages. Un vent frais chasse ce brouillard et le rejette sur les coteaux voisins, jusqu'à ce qu'il se perde totalement. Le jour rajeuni semble alors renaître du sein des ombres, et tout est lumière sur le fleuve, sur la terre et dans le ciel ».
Les variations sur ce sujet se succèdent chaque année au Salon, avec un titre un peu différent: « La Loire, effet d'hiver » (1855); « Bords de Loire au printemps, au moment de la pleine mer, effet d'orage » (1857); « Prairies et marais de Corsept au mois d'août à l'embouchure de la Loire (personnages de Corot) » (1859); « Îles de la Basse-Loire à la plein de mer » (1859); « L'embouchure de la Loire » (1874); « Un marais au lever du soleil » (1875); « Lever de brume près de Paimboeuf » (étude pour le Salon de 1879).
La mer est là, tout prêt: « Le village et les dunes de Saint-Brévin » figure au Salon de 1859.
Mais c'est toujours à l'allée des châtaigniers du Soullier qu'il revient; cette extraordinaire voûte surbaissée, aujourd'hui disparue, qu'une toile de Théodore Rousseau rendit à tout jamais célèbre en 1839.
Le Roux reprit le thème à quatre reprises: deux fois en hiver, deux fois en été.
Mais la politique guette Charles Le Roux: maire de Corsept en 1852, et plus tard maire de Cerizay, dans l'arrondissement de Bressuire, conseiller général du canton de Châtillon-sur-Sèvre, l'actuel Mauléon, il voit la faveur du pouvoir impérial accordé à sa peinture, en la personne du Duc de Morny qui retient pour sa galerie personnelle le tableau intitulé « Les bords de l'Erdre ». Du coup, le voilà promu candidat officiel et bientôt député de l'arrondissement de Bressuire au corps législatif, entre 1859 et 1870. C'est la raison de son absence au Salon à cette époque. Il y reviendra après la chute de l'Empire.
La mode aura changé: on remarquera moins ses oeuvres, auxquelles il apporte jusqu'à la fin le même amour, la même sensibilité forte et tranquille. Elles lui font cortège dans sa demeure où il voulut les garder, n'ayant nulle obligation de s'en séparer. Ainsi peut on encore les admirer chez ses descendants « ... ».
Je vois encore « ... » le bleu sourd d'une mare, les tuiles rouges de la ferme qui se laissent apercevoir de loin à travers les arbres. Entre deux corps de logis, s'élève un énorme chêne : une impression de force et d'intimité, d'ombre et de lumière sereines... Ce n'est ni le tragique de Rousseau, ni la subtilité de Corot. Ici, les nuages étaient beaux et lents... « La robe d'or bruni des races partenaises luisait sous les caresses du soleil filtré par les branches ». Charles Le Roux joue avec l'acajou qui remplace souvent pour lui la toile, et dont il traite « en réserve » des espaces entiers qui donnent la chaleur à sa peinture.
La forêt aussi l'attire d'un amour tout particulier. Il n'oubliera jamais Fontainebleau, ses amis de Barbizon, et se rend au Gâvre en compagnie de Barye qui peindra les cerfs. Un grand tableau évoquera pour nous les allées aux troncs couverts de mousse glauque, le « vert pâle âpre et uniforme qui revet les grands bois aux premiers jours de mai ».
« L'aspiration à la vie pastorale, le besoin d'identifier notre être avec la nature...
C'est un goût inné et positif...
C'est une passion muette et obstinée qui suit partout, comme une nostalgie,
ceux qui ont mené dès l'enfance la vie libre et rêveuse au grand air »
George Sand
Charles Le Roux, Peintre Nantais par Léon Rauzeau (parue dans 2 degrés ouest en Mai 1974)
Charles Le Roux en 18XX, photographie de Nadar
Le Soulier peint par Charles Le Roux